Plusieurs essais récents tentent de détruire la croyance la plus partagée de ce début de siècle: celle selon laquelle la voie vers le bonheur serait introspective et individuelle.

Carl Cedeström et André Spicer s'inquiètent […] des dérives de l’individualisme radical, d'un paradoxe apparent de la recherche frénétique de l'état de bien-être: «loin de produire les effets bénéfiques vantés tous azimuts», cet investissement dans notre moi profond «provoque un sentiment de mal-être et participe du repli sur soi.»

[Une solution ?] Pour Crawford c'est donc de sortir de soi, de renoncer à se considérer comme l'unité de valeur de la société, pour oser se fondre dans un rapport avec l'altérité. En apprenant un langage musical ou un code linguistique, chacun se déploie à l'intérieur de limites concrètes et extérieures à l'individu, dans des «gabarits culturels qui canalisent nos énergies», de sorte qu'opposer individualisme et conformisme, autonomie et autorité extérieure, n'a plus guère de sens. «Mieux encore, écrit-il: pour être créatif, il faut justement être fortement enraciné dans une communauté» de pratiquants, soutient Crawford en prenant l'exemple des traditions esthétiques et musicales. Il nous convainc que c’est en buttant contre une entité extérieure à nous-mêmes qui offre une résistance (un autre être humain, une discipline artistique ou toute structure qui résiste à notre sentiment de toute-puissance) que l’homme peut se sentir, sinon heureux, à tout le moins présent et fonctionnel dans le monde qui l’entoure.

Source: www.slate.fr/story/118467/etre-heureux-oubliez-vous

Illustration : Wipe Sort - Processing by Dan Tapper – juin 2015