Génération et continent en quête de projet

Sur quelles valeurs et quel souffle la génération Y/Z pourrait-elle s’appuyer afin de redynamiser le projet européen ?

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Génération et continent en quête de projet

Oublieux de toute utopie ou idéal humaniste et fédérateur, le projet européen contemporain l’est assurément. Pour le dire autrement, même les mots convoqués pour qualifier ce collectif ne suscitent plus l’adhésion, ni même l’intérêt ; encore moins celui des plus jeunes générations. Ainsi, pour espérer le refonder, il faudrait peut-être commencer par recharger les mots avant de s’attaquer aux maux… Demandons-nous donc sans attendre ce que signifie le mot projet.

Projet et se projeter ont la même racine : ils viennent du latin projicere[1] : « jeter quelque chose vers l’avant ». Qu’en déduire ? Que faire projet implique d’être en capacité de pouvoir se projeter en avant, voir où l’on va. Or pour voir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient ; soit être solidement enraciné dans une tradition (ne pas en être coupé) afin de pouvoir construire et… se construire. Aussi il convient de trouver quelle(s) tradition(s) interroger et lesquels de ses protagonistes mettre en scène. Ce n’est pas tout : le mot projicere est lui-même issu de projectum (« avancée », par ext. : « faire une saillie »). Se projeter revient donc aussi à faire saillie ; soit sortir d’un état latent ; au sens propre ou figuré, faire jaillir un événement inattendu, un trait d’esprit.

De ces quelques lignes on comprend que recharger la notion de projet revient à convoquer des traditions aussi ouvertes que dynamisantes. Louable entreprise, mais à qui peut-elle bien s’adresser ? Aux personnes aujourd’hui âgées entre 15 et 35 ans. En effet initier un projet collectif prend 10, 20, 30 ans. Ainsi, s’adresser à ce public c’est sensibiliser les acteurs de la future Europe.

Par conséquent, prendre en charge ce chantier revient à tenter de répondre à la question suivante : quelles figures porteuses de traditions et à la fois profondément européennes seraient susceptibles d’entrer en dialogue avec les aspirations des jeunes générations actuelles ?

Pour ce faire nous brosserons dans une première partie le profil des 15–35 ans (ou génération Y/Z — terme que nous définirons) ; là nous tenterons de comprendre quelles sont leurs aspirations et leurs valeurs. Puis dans une deuxième et une troisième parties, nous présenterons trois figures européennes prémodernes — Maître Eckhart, Averroès et Bérulle — et nous montrerons pourquoi et comment ils font écho aux membres de la génération Y/Z. Au final, ce présent article, s’il ne prétend pas donner une solution clé en main, s’efforce de contribuer à la quête d’un réarmement en sens — donc direction, orientation — d’un projet européen.


Partie 1 — La génération Y/Z : en quête d’enracinement dynamique

Qui sont les 15–35 ans européens ? Plusieurs sobriquets les qualifient selon les études et les angles choisis : génération Y, Z, millenials, digital natives[2]. Le terme génération Y[3] désigne les personnes nées entre 1980 et 1996. Les Z sont quant à eux nés après 1997[4]. Y et Z tirent leurs noms de la génération précédente, nommée génération X, constituée de post-baby-boomers. D’autres termes équivalents existent, dont enfants du millénaire (millenials en anglais) ou les diminutifs GenY, Y/Z ou encore Yers. Si les X ont connu la Guerre Froide, les Y et Z ont grandi avec la mondialisation, le chômage et la peur du déclassement social. Le fossé générationnel s’explique d’une part par une accélération et intensification de ces changements et l’apparition des outils numériques ou NTIC[5] ; on les appelle d’ailleurs digital natives[6].

Les termes se superposent. Ainsi nous les appellerons donc « génération YZ » dans les lignes qui suivent, sachant que les termes millenials ou digital nativespourraient être adaptés. Qui sont donc les « YZ » et en quoi diffèrent-ils de leurs prédécesseurs, particulièrement en ce qui concerne leur relation à eux-mêmes, aux autres et au monde, ou autrement dit : quelles sont leurs valeurs ?

1. Quelles sont leurs valeurs ?

On distingue d’abord une hiérarchisation différente dans les transmetteurs de valeurs. L’Église, l’armée, l’entreprise sont moins influentes que ne le sont Internet, les médias et les réseaux relationnels. Comme l’affirme Pascale Weil « les pairs sont devenus plus importants que le père »[7]. On le voit, la relation à la tradition est différente de celle de la génération précédente. Ils ont besoin d’une abondance d’options, de choix, d’occupations et de diversité : toujours très occupés, ils sont surbookés et ne planifient pas leur vie, leur emploi du temps, leurs activités. S’ils ont l’air mal à l’aise dans la durée, c’est qu’ils ont besoin de durabilité automatique. Ils pensent rapidité et non qualité. Leurs valeurs s’expriment dans leurs comportements : ils clament leur « authenticité » sans pour autant savoir ce à quoi le terme renvoie. Leur credo pourrait être : « je veux être moi ». Mais est-ce uniquement un trait individualiste ? Il n’en est pas certain.

Un individualisme qui montre ses limites et une volonté de se réaliser

Même s’ils sont nés et ont grandi au cœur d’une économie de marché, ils ont vite réalisé que cette liberté se déployait en grande partie dans le fait d’être un consommateur. Ce que résume Myriam Levain : « Pour nous, les enfants de la mondialisation post Guerre Froide, il n’y a jamais eu d’autre système que le capitalisme roi, présenté comme le grand vainqueur du XXe siècle et l’unique option viable sur le long terme.[8] Enguerrand, 31 ans, poursuit : « Les bonnes décisions n’ont pas été prises depuis trente ans […] Au début des années 2000, quand est venu le tour des baby-boomers de passer la main, il y avait 70 % d’endettement et une croissance en berne. Nos parents, qui étaient jeunes dans les années 1970, ont tout eu : la cinquième semaine de congés payés, la semaine à 39 heures puis à 35 heures, la retraite à 60 ans. On a l’impression qu’ils ont dévoré tout ce qu’avaient laissé les précédents.[9] Olivier Galland, sociologue au CNRS, ne croit pas en une « guerre des générations », mais postule plutôt : « Il y a vingt ou trente ans, il y avait un monde entre deux générations. Aujourd’hui la tendance de fond à l’individualisation des valeurs traverse les générations. En France, la religion a perdu son pouvoir intégrateur, ce sont les valeurs républicaines qui ont pris le relais. L’école en est le pilier. Or, elle est en crise. [Pour les jeunes], le travail reste une valeur centrale. En revanche (…), le travail n’est plus une valeur en soi, mais pour soi. C’est un moyen de se réaliser, de faire des choses intéressantes sans sacrifier pour autant sa vie personnelle[10]».

Pour la génération Y/Z, ce monde individualiste et capitaliste est vécu comme un déjà-là imposé. Et ils cherchent quelque chose d’autre. Dans des pays proches, comme en Espagne avec le mouvement des Indignés ou le parti Podemos, et en Grèce avec Syriza, la contestation de ce système se fait sentir. Où l’individualisme et le capitalisme instaurent la division du local et la dilution dans le global, ces mouvements souhaitent injecter de l’être ensemble. Une illustration de ce désir peut être un extrait du manifeste du parti Syriza qui prône : « un large mouvement pour l’auto-administration locale, dans le cadre duquel peuvent fleurir toutes les formes appropriées de démocratie directe : […] ce qui peut être fait par toutes et tous, ensemble, pour le quartier et le village, l’arrondissement, la ville et la région, jusqu’à celles autour de notre mode de vie, des façons de s’entraider, de cultiver notre pensée et notre sensibilité[11]». En France, si un mouvement collectif de même ampleur peine à se dessiner, ce sont dans les gestes du quotidien que la quête d’un autre mode d’être se fait sentir.

De la dépossession à la quête d’un essentiel

À titre d’exemple, le rapport à la possession est particulièrement intéressant ; la génération Y/Z, c’est celle du partage : là où les générations précédentes (baby-boomers, génération X) évaluaient leur niveau de réussite en fonction des biens acquis — appartement, maison, voiture, etc. —, les YZ font voler en éclat ce mode de possession et ne rechignent pas à partager appartement, véhicule, entreprise ou même leurs escapades ; c’est l’âge du co- : covoiturage, colocation, coworking, etc. Les marques se sont d’ailleurs emparées de ce phénomène[12] et rachètent à tour de bras des startups créées pour la plupart par… des entrepreneurs de la génération YZ. Si l’on partage tout ou presque tout, que reste-t-il ? En termes de biens matériels, justement, plus grand-chose n’est nécessaire. À titre d’exemple cet extrait d’un article du Temps : « Z.E.N. Trois lettres couleur pastel décorent le mur de la chambre éthérée de Sara, vingt ans. Au premier étage de la villa familiale […] presque rien. De minuscules enceintes diffusent par Bluetooth les douces notes folks de The Lumineers, trouvées sur Spotify. “Je n’ai besoin que d’un lit, de mon laptop et de mon téléphone portable”, résume la Lausannoise. La chambre de cette adolescente est la fascinante preuve par le vide d’une tendance générationnelle. L’incarnation visuelle de la dépossession de tout[13]. »

Certains comportements individuels éclairent aussi le rapport à la possession qu’il faut voir une forme de résistance passive au consumérisme. Romain, 28 ans, témoigne : « je consomme beaucoup moins qu’avant [.] On est dans un monde de surconsommation : on achète, on jette. J’essaye de ne pas acheter des plats tout faits, de consommer des fruits et des légumes frais, de remplacer ma lessive classique par des noix de lavage bio[14]. » Pour Myriam Levain, ces gestes individuels « encore anecdotiques il y a dix ans […] se sont multipliés et témoignent d’une volonté de redonner du sens à nos vies. Car à travers ces petits riens, c’est tout un univers purement mercantile qui est remis en cause, et dans lequel nous aimerions réinjecter de la profondeur[15]. »

Un désir et une quête de sens, hors institutions

Cette profondeur, les YZ en ont le désir, mais là aussi, hors des chemins balisés. En effet, nombre sont les études témoignant d’un regain d’intérêt pour le religieux et le spirituel chez les jeunes YZ. M. Levain[16] témoigne : « la religion est plutôt une valeur en hausse par rapport à nos aînés soixante-huitards. C’est donc un peu un contresens de dire que la jeunesse ne respecte plus le sacré. » Ce que confirme Jean-Paul Willaime « La répartition des 18–24 ans manifeste de façon significative les évolutions en cours : désaffiliation religieuse, accompagnée d’une identification à l’athéisme et/ou d’une recherche de spiritualités alternatives hors-piste », mais aussi intérêt manifesté pour d’autres grandes traditions religieuses […] si 49 % des 18–24 ans disent avoir de l’intérêt spirituel pour le christianisme, ils sont 32 % à le dire pour l’islam et 26 % pour le bouddhisme[17]. » On parle bien d’intérêt pour les religions, mais pas forcément de désir d’appartenance ; c’est le désir de religieux et de partage d’expériences spirituelles qui revient sur l’avant de la scène. Leur rapport à l’institution religieuse est très distant voire tend vers l’ignorance ou le mépris, même si le besoin de s’adosser à des traditions leur paraît de plus en plus nécessaire. Ils souhaitent autant être dynamisés par une tradition que de rester à l’écart de l’institution qui est dépositaire de ladite tradition.

Que retient-on des lignes précédentes ? Les principales valeurs de la génération YZ : une volonté de se réaliser, de réussir, mais en cohérence avec ses aspirations personnelles ; un besoin avéré de recentrement, d’harmonie et d’essentiel ; un fort désir de trouver du sens, de rencontrer l’autre et de questionner. Sous quelle dynamique faudrait-il alors appréhender ces valeurs afin de mieux cerner leur signification ? La notion de postmodernité forgée et portée notamment par le sociologue Michel Maffesoli va nous permettre d’y voir plus clair.

2. L’ère de la postmodernité

Qu’est-ce que la théorie de la postmodernité ? Sans entrer dans les détails, on voit déjà que le mot contient la racine « modernité » référence à une époque dite « moderne » où la raison de l’individu était tournée vers l’avenir et le progrès (les « prémodernes » quant à eux se reposaient sur la tradition comme référentiel). Pour le dire à gros traits, la postmodernité décrit un autre rapport de l’individu au temps et aux institutions. Le constat est le suivant : le passé, où les autorités ont été défaillantes dans leur tâche, ne rallie guère, tandis que l’avenir ne réserve plus autant de promesses. Pour détailler davantage ce qu’est la postmodernité, il faut distinguer trois composantes.

  1. « L’individu s’efface au profit du groupe, de la tribu, de la communauté. L’individualisme cède la place à une socialité du groupe, des réseaux, des échanges. On est à la recherche de communions émotionnelles auxquelles se mettre au diapason. »
  2. « Une éducation, un magistère, une diffusion des idées et de l’information top-down (comme on peut le connaître dans les universités, les écoles, les médias) succède dans la postmodernité une dynamique de l’initiation réciproque, de l’accompagnement, du coaching et du partage. C’est le règne du wiki et du share (partage). C’est aussi le règne de la tolérance et du relativisme de bon aloi. »
  3. « À l’idéo­logie du progrès, sèche à force d’être rationaliste, désincarnée à force d’ignorer l’émotionnel, sectaire à force d’exclure la vitalité du vivant, succède [le désir d’une] philosophie progressive qui s’enracine dans la tradition pour vivifier le présent et accueillir le futur[18]»

La question qui se pose à présent est de savoir vers quelles figures se tourner pour concrétiser cet enracinement dynamique[19]. Pour répondre à la question de l’enracinement, il faut solliciter des figures « racines » et donc radicales[20]; des personnes qui ont su créer des ruptures et pu être fondement de traditions, c’est-à-dire féconds. Cette deuxième qualité nous renvoie au critère « dynamique » ; en enrichissant le présent par des qualités spirituelles et intellectuelles, les textes et les actes de ces personnes doivent pouvoir produire chez le lecteur de notre époque une saillie, une avancée ; c’est-à-dire la potentialité de se projeter, soit aller vers un avenir qui lui est propre.

Ainsi pour explorer cette piste, nous proposons ici trois figures à interroger : Averroès, Maître Eckhart et Pierre de Bérulle. Prémodernes, ils ont fait à la fois grand bruit et école en leurs temps et leur écho se fait sentir jusqu’à notre époque (ils sont toujours publiés et lus). Tentons de savoir qui ils sont.


Partie 2 — Averroès, Eckhart, Bérulle : des figures inspirantes

Au cœur de l’Espagne musulmane du XIIe siècle, Averroès (ou Ibn Rochd de Cordoue) est à la fois philosophe, théologien, juriste et médecin, mais aussi grand cadi (juge suprême) à Séville et à Cordoue. À cheval sur deux siècles (XIIIe/XIVe) et deux rives du Rhin, Maître Eckhart (ou Eckhart von Hochheim) est quant à lui théologien et philosophe dominicain. Figure majeure de la chrétienté européenne au Moyen-Âge, il est aussi connu comme le premier des mystiques rhénans. Né à l’aube du Grand Siècle français, Pierre de Bérulle (XVIe/XVIIe) est à la fois cardinal, fondateur de l’Oratoire de France (Société de l’Oratoire) et diplomate. Du point de vue de l’histoire des religions, il est un représentant majeur de l’École française de spiritualité. Ces trois hommes ont marqué leurs siècles et leurs contemporains, car ils ont notamment su relier ce qui devait a priori rester divisé. De quelles façons ? Voyons comment chacun a su, à la croisée de régions géographiques, traditions et courants spirituels, créer du nouveau et lancer des révolutions spirituelles et culturelles.

1. Des ruptures et révolutions conceptuelles

Eckhart ou quand le délaissement fait place à l’essence

« Maître Eckhart posa en principe le “délaissement” [Gelassenheit] de soi, du monde, de tout, comme la seule voie possible pour atteindre Dieu, [.] ou “laisser être”, comme l’a traduit Lacan »[21]. Du point de vue de la personne, le détachement a trait à une séparation qui porte à son maximum l’appauvrissement volontaire d’un point de vue spirituel ; en régime eckhartien, c’est une recherche d’un désencombrement de soi dans une volonté de ressembler à Jésus-Christ. Il s’agit de se vider de soi, de se dénuder des images, pour que Dieu entre en soi.

Mais ce n’est pas le seul apport du maître rhénan. Car cette notion centrale du Gelassenheit, il l’a couplé à un apophatisme radical. De quoi s’agit-il ? C’est « l’idée que l’approche de Dieu n’est possible qu’à partir de ce qu’il n’est pas, plutôt que dans la positivité de ses attributs. En cela, il est fils d’une longue tradition qui remonte au néoplatonisme, philosophie qui s’est christianisée via de nombreux pères orientaux[22][…] conjoignant révélation biblique et raison grecque. »[23]

Averroes ou de l’exigence de la raison interprétative

La raison est justement au cœur de la pensée et du système interprétatif d’Averroes. Celui-ci, même s’il est musulman, respecte toutes les croyances que ce soient celles des Grecs, des juifs ou des chrétiens. Il peut être considéré comme penseur de la légitimité de la raison dans un espace religieux. Selon Alain de Liberia, « L’averroïsme donne des arguments à l’idée selon laquelle la philosophie ne s’oppose pas à la religion et que par conséquent la religion ne s’oppose pas à la philosophie. »[24] L’universitaire Majid Fakhry, il le décrit même comme « l’un des fondateurs de la laïcité en Europe de l’Ouest »[25].

Attention cependant à ne pas idéaliser Averroès et le considérer comme un scientifique agnostique contemporain perdu au Moyen-Age. N’oublions pas qu’en tant que musulman du XIIe siècle, il obéit à un certain nombre de préceptes, d’obligations et de comportements qui lui sont propres et qu’il estime devoir observer ; on ne peut pas désislamiser Averroès. D’ailleurs Liberia de poursuivre (citant le philosophe) : « Il est, en termes juridiques, licite pour un philosophe de faire de la philosophie s’il est musulman. C’est même hautement recommandable, voire même obligatoire pour celui qui en a le talent. »[26]

Ce que nous dit aujourd’hui Averroès, c’est que la philosophie a toujours fait partie de l’identité musulmane, dès le moment où islam et philosophie sont entrés en contact. Philosophe, théologien, Averroès est le produit d’une conjonction historique inédite où les cultures se lient et dialoguent, mais aussi de générations de penseur et savants musulmans qui ont œuvré pour laisser à la raison une place nécessaire au discernement et à l’interprétation.

Bérulle et l’incarnation continuée

Au cœur d’une période historique de révolution et de mutation, Bérulle l’est, lui aussi, assurément. Étant l’un des principaux artisans de la Contre-Réforme en France, il a un grand projet : il veut établir des foyers de vie spirituelle intense. Pour ce faire, il réorganise et insuffle un vent nouveau dans les congrégations religieuses : en l’espace de dix-huit ans, Bérulle fonde 60 maisons de l’Oratoire et 40 carmels. L’Oratoire devient aussi une congrégation enseignante, même si ce n’était pas la volonté initiale de Bérulle. À ce renouveau en germe, Bérulle donne une spiritualité qui « imprégnera l’Église de France au XVIIe siècle et au-delà », souligne Yves Krumenacker, professeur d’histoire moderne à l’université Jean-Moulin de Lyon. « De fait, la mystique est alors très abstraite, poursuit l’historien : il s’agit de se plonger en Dieu, mais on ne sait pas toujours s’il s’agit du Dieu de Jésus-Christ ou d’une divinité abstraite. Or Bérulle va remettre Jésus-Christ au centre. » « Bérulle parle d’incarnation continuée », complète le P. Jérôme Prigent, oratorien. Mais pour le fondateur de la Société de l’Oratoire, cette incarnation passe par la transmission et la formation intellectuelle : « Avec l’accent sur la formation intellectuelle et spirituelle, relève Yves Krumenacker, Bérulle a beaucoup compté dans la nouvelle figure du clergé qui se met en place et qui va s’imposer dans le monde à partir du XVIIIe siècle.[27]

2. Des tisseurs de liens européens

L’érudition intellectuelle et spirituelle des trois hommes, en plus d’être extrêmement féconde, a fait écho dans l’Europe de l’époque et leur a permis de relier les savants, les contrées, les institutions et même les pays. Voici quelques exemples.

Averroès : au cœur de l’Andalousie interculturelle du XIIe siècle

La seconde moitié du XIIe siècle fut une époque d’opulence pour l’Espagne musulmane, riche de ses diverses productions agricoles et artisanales, la prospérité du pays contribue à l’essor de plusieurs grandes villes. Séville, à l’origine espagnole, est devenue sous les Almohades, la capitale d’Al-Andalus. Cordoue, où Averroès naît en 1126, est à l’époque l’un des centres les plus représentatifs du contact culturel et du travail de traduction de l’arabe vers le latin d’Occident. L’Andalousie et jusqu’à la vieille Tolède (au nord) sont par exemple des lieux où, après quatre siècles d’arabisme, des membres du clergé chrétien annotaient en arabe la signification des mots latins de leurs livres de prières. Des érudits de toutes les régions d’Europe y affluent, désireux de puiser aux nouvelles sources du savoir : Robert de Chester, Platon de Tivoli, Hermann de Carinthie, Jean de Séville, Gérard de Crémone. S’il connut peu de postérité intellectuelle dans le monde musulman, il a influencé bon nombre de théologiens occidentaux du Moyen Age par l’intermédiaire des Juifs de Catalogne et d’Occitanie, puis est intégré dans un certain courant de la scolastique latine. Passeur de la pensée grecque traduite et commentée en arabe, enrichie en latin, en hébreu puis transmise aux théologiens de toute l’Europe, Averroès est un formidable vecteur de la connaissance.

Le Maître du Rhin relie la Saxe, la Bohême et Paris.

Véritable pont entre les institutions universitaires et religieuses, Eckhart ne cesse de faire des allers-retours (le plus souvent à pied) entre la région rhénane et la France. Il noue plus particulièrement des liens avec l’Université de Paris. D’abord bachelier sententiaire[28] dans cette institution, il y obtient ensuite (en 1302) la maîtrise en théologie ; frère Eckhart devient alors Maître Eckhart. Entre temps de 1294 à 1298, il est prieur du couvent dominicain d’Erfurt. Plus tard en Allemagne, il est élu premier provincial de Saxe et vicaire général de Bohême. En 1311, Eckhart est envoyé une seconde fois à Paris pour y enseigner. En 1313, il quitte Paris pour Strasbourg, comme vicaire général, chargé de la direction spirituelle des moniales. Il s’y occupe non seulement des sœurs de son ordre, mais aussi de toutes les femmes que comptent les 85 béguinages de la ville. Il termine sa vie en enseignant à Cologne de 1324 à 1328.

Bérulle ou les vertus cardinales au service de la paix

Pour Bérulle, réunir les contrées n’est pas de prime abord dans ses objectifs, mais sa spiritualité de l’incarnation lui impose de participer à la vie de l’État et de travailler à la paix du royaume ; il joue donc un rôle politique : « Si son action reste “très souvent dans l’ombre […] il pèse sur des décisions et des orientations importantes”, relève son biographe, François Monfort, lui-même oratorien[29]. « Il est consulté, choisi comme émissaire pour apaiser des conflits, rapprocher des adversaires[30], poursuit le biographe. Ainsi après l’assassinat d’Henri IV en 1610, il obtient la réconciliation de Louis XIII et de Marie de Médicis. Estimé pour ses qualités de diplomate et de négociateur, il joue aussi un rôle important dans le rapprochement entre la France et l’Angleterre.


Partie 3 — Un dialogue fécond

Que nous ont appris ces présentations d’Averroès, Eckhart et Bérulle ? Que ce sont des colosses du sens, de l’engagement et de l’action. Que leur fécondité intellectuelle, spirituelle et culturelle est avérée. En se sens, comme personnages emblématiques et porteurs de valeurs universelles, ils sont déjà des symboles d’exemplarité pour nos contemporains et pourquoi pas aussi pour la génération YZ. Mais, nous semble-t-il, il y a davantage : c’est la proximité — certes germinative — que la génération YZ pourrait entretenir avec ceux-ci sur le plan des valeurs.

1. Proximité des valeurs avec la génération YZ

Souvenons-nous en effet que les valeurs identifiées chez les YZ sont les suivantes : a) une volonté de se réaliser, de réussir, mais à condition d’être en cohérence avec leurs aspirations personnelles, b) un besoin avéré de recentrement, d’harmonie et d’essentiel, c) un fort désir de trouver du sens, de rencontrer l’autre et de questionner.

À la première proposition, il nous semble que la spiritualité incarnée ou l’incarnation continuée de Bérulle pourrait être une source dynamisante. Le besoin de recentrement, de retour à l’essentiel, passant par une volonté de dépossession matérielle gagnerait peut-être, quant à elle, à découvrir le Gelassenheit d’Eckhart. Puis le désir de questionner, trouver du sens, se confronter à d’autres cultures, s’enrichirait sûrement de la sagesse d’Averroès, visant à tenir ensemble conviction personnelle et raison, c’est-à-dire apprendre à interpréter.

2. Dialoguer, interpréter, incarner : une question éducationnelle

De façon sous-jacente, mais non moins prégnante, on voit se dessiner, sous ces possibilités de dialogue, les modalités éducationnelles dudit dialogue : les mots incarnation, réalisation, recentrement, apprendre, interpréter nouent des liens avec la question de l’individuation de la personne et de son développement. Et c’est selon nous une chance, car Eckhart, Averroès ou Bérulle ont eu une forte fécondité de leur vivant (et ensuite) sur le plan transmissionnel et instituant. Les œuvres de ces trois hommes sont donc un réservoir interprétatif immense pour nos contemporains. Ainsi, pour faire se rencontrer la génération YZ et les trois auteurs, s’agirait-il de parler de Eckhart, Averroes ou Bérulle à l’école et à l’université ? C’est sûrement une bonne idée, mais peut-être pas la seule.

Et ce pour au moins deux raisons : a) un des credo de la post-modernité est une réinvention des modalités éducationnelles et du partage de la connaissance, mêlant nouveaux outils numériques — wiki, cloud sharing, co-working — et progressivité initiatique, b) la culture du numérique est justement celle de la génération YZ et vers laquelle celle-ci oriente bon nombre de ses projets. Aujourd’hui, les modalités d’apprentissage, de transmission d’informations, de pédagogie ont déjà beaucoup évolué avec la révolution numérique. Ce qui manque peut-être, c’est justement de réinjecter les valeurs profondes de la génération YZ au cœur des dits projets.

Alors, nos YZ, aidés et inspirés par des figures comme Eckhart, Bérulle ou encore Averroès (et la liste n’est pas exhaustive) pourraient peut-être doter leurs projets d’une valeur ajoutée éducationnelle avérée. À titre d’exemple, un programme de formation pourrait utiliser comme slogan un équivalent de : « Permettre à la vie de gagner en soi plutôt que seulement gagner sa vie » ou une application numérique de découverte interculturelle : « Voyager c’est s’enrichir par les sens, interpréter c’est partir à la conquête du sens ».

3. Une chance pour l’humanisme européen ?

Cette possibilité d’enrichir des projets éducationnels grâce à des enseignements tirés du dialogue de nos contemporains avec ces trois figures prémodernes nous renvoie aussi à repenser des projets collectifs à l’échelle du continent. N’oublions pas le caractère intimement européen — même s’il est prémoderne — d’Averroes, d’Eckhart et de Bérulle. Ils embarquent tous des univers culturels et géographiques européens marqués : la vigueur et le pari éducationnel de l’école française de spiritualité pour Bérulle, l’ascétisme d’une profondeur insondable de la mystique rhénane avec Eckhart et le miracle interprétatif de l’Andalousie du XIIe siècle pour Averroès.

Même si nous ne sommes pas spécialiste des questions politiques et encore moins des questions politiques à l’échelle de l’Europe, il nous semblerait cependant intéressant de réarmer la notion d’humanisme grâce à ces penseurs. Comment, nous direz-vous, puisqu’ils sont pour la plupart antérieurs à la notion même d’humanisme ? Et justement. Parce qu’ils proposent tous une certaine vision de l’homme chronologiquement pré-humaniste, et parfois même anti-humaniste, ils ne souffrent pas des plaies modernes dont l’humanisme européen est affublé. Ce paradoxe a priori peut être justement une chance de recharger ledit humanisme contemporain en lui permettant de se frotter avec ses racines et donc de se réinterroger. Par exemple en reconnaissant dans l’humanisme la part de spiritualité qu’il contient. Car à vouloir trop écarter la dimension spirituelle de l’homme, l’humanisme européen risque de continuer à laisser le spirituel en proie à d’autres.

Ouverture

Que nous a appris cette petite escapade auprès de ces trois figures prémodernes et de la génération YZ ? Trois choses : a) porteuse de potentiel et d’innovation, détentrice de valeurs, en quête de sens et de signification au quotidien, la jeunesse européenne veut s’approprier le monde, mais aussi se désengluer d’une modernité qui s’effrite et dont les institutions s’essoufflent, b) le sens ne peut se conjuguer au présent et nous élancer collectivement vers un avenir que s’il est solidement enraciné et en cohérence avec son passé. Et ce passé a besoin d’une chair, d’une incarnation. Remémorer l’essentiel passe donc par des figures emblématiques ; Eckhart, Averroès et Bérulle en font partie ; comme des phares qui depuis leur siècle éclairent l’océan et nous indiquent les continents du sens. c) Ces figures ont besoin d’être rapatriées au cœur de nos problématiques contemporaines et, partant, d’être interprétées ; il convient d’utiliser une méthode aussi fine que rigoureuse pour effectuer ce passage de relais. Sens, interprétation, passage : le champ lexical convoque à lui seul les sciences de l’éducation.

Celles-ci doivent donc être mobilisées. C’est donc un projet européen dont la saillie et le tracé seraient éducationnels qu’il faut construire. Avec des projets fondés sur nos racines communes. Et pas n’importe lesquelles ; celles qui portent le sens. Par exemple, convoquer Blaise Pascal, Avicenne ou encore Pic de la Mirandole peut y contribuer ; la liste n’est pas exhaustive ; proto-modernes et proto-humanistes par leur parcours, par leurs textes, donc par leur relation particulière à l’Homme et à l’Univers, ils constituent un réservoir infini d’interprétations, de pro-jets et donc la promesse d’un renouveau possible et tangible du collectif européen.


  1. Félix Gaffiot, « Projicio » in Dictionnaire latin français, Hachette, Paris, 1934, p. 1251 ↩︎

  2. C’est, de fait la population qui croit le plus vite et qui va prendre les commandes des pays européens dans les prochaines années : par exemple, en juin 2016 en France, les générations Y et Z représentent 41 % de la population active en 2016, avec une croissance prévue du côté des Z, pour les années à venir. Aux États-Unis, les millenials (« enfants du millénaire », terme synonyme aux générations Y et Z chez les Anglo-saxons) connaissent une même progression. ↩︎

  3. La première occurrence du terme apparaît dans l’éditorial de la revue Advertising Age du 30 août 1993, p. 16. On souligne ici que le terme est issu du monde de la publicité et du marketing. ↩︎

  4. L’appellation génération Z fait débat, tant la proximité avec la génération Y est grande (outre-Atlantique, on parle de Millenials ou Digital Natives pour décrire les deux groupes), mais aussi car l’origine du terme est assez peu scientifique et a davantage trait à une opération marketing — un concours lancé par USA Today en 2012 ; Horovitz, Bruce (4 May 2012). “After Gen X, Millennials, what should next generation be?”. ↩︎

  5. NTIC pour Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication. On retrouve également les termes TIC, mais ces termes étant issu de l’époque de l’apparition desdites « nouvelles technologies » il est un peu daté pour un usage grand public. On utilise dorénavant le plus souvent le sigle anglais IT, pour « Information Technology ». ↩︎

  6. Baptisés ainsi par Mark Prensky, enseignant américain, dans un essai paru en 2001 (Mark Prensky, On the horizon, op. cit.) cela signifie « natifs du numérique ». Michel Serres les appelle pour sa part « Petite(s) Poucette(s) », car ils tapent les messages ou textos à toute vitesse avec leurs deux pouces sur les écrans de leurs téléphones (ils envoient entre 1000 et 5000 SMS par mois). Le professeur brosse d’ailleurs un portrait aussi précis qu’affectueux : « Ces enfants habitent [.] le virtuel. Les sciences cognitives montrent que l’usage de la Toile, la lecture ou l’écriture au pouce des messages, la consultation de Wikipédia ou de Facebook n’excitent pas les mêmes neurones ni les mêmes zones corticales que l’usage du livre, de l’ardoise ou du cahier. Ils peuvent manipuler plusieurs informations à la fois. Ils ne connaissent, ni n’intègrent, ni ne synthétisent comme nous, leurs ascendants. Ils n’ont plus la même tête. » Michel Serres, Petite Poucette, Éditions Le Pommier, Paris, 2012, pp 12–13. ↩︎

  7. Pascale Weil, Tels pères, quels fils, Editions d’Organisation, 2006. ↩︎

  8. Myriam Levain, Julia Tissier, La génération Y par elle-même — Quand les 18–30 ans réinventent la vie, François Bourrin Editeur, Paris, 2014, p 58. ↩︎

  9. Myriam Levain, La génération Y par elle-même, op. cit., p. 80. ↩︎

  10. Cité in “Des débutants à la peine”, Liaisons sociales magazine, Dumont (L.), Béchaux (S.), Béal (E.), septembre 2010, p. 20–26. ↩︎

  11. “Le Manifeste de SY.RIZ.A. Les axes politiques de notre action”, source : http://syriza-fr.org/2013/01/16/le-manifeste-de-sy-riz-a-les-axes-politiques-de-notre-action/. Page consultée le 3 août 2015. ↩︎

  12. Comme le rachat de 123envoiture.com par la SNCF (en 2015). ↩︎

  13. Aïna Skjellaug, “La génération qui ne voulait plus posséder”, in Le Temps du samedi 25 juin 2016. ↩︎

  14. Myriam Levain, La génération Y par elle-même, op. cit., p. 60. ↩︎

  15. Ibid. ↩︎

  16. Op. cit. ↩︎

  17. Jean-Paul Willaime, « La culture religieuse des Français », Sciences Humaines, Hors-série N° 41 — Juin-Juillet-Août 2003 — « La religion. Un enjeu pour les sociétés » ↩︎

  18. Nous suivons l’article de Michel Dante sur la définition donnée par Michel Maffesoli dans Le trésor caché (Editions Léo Scheer, 2015) http://www.letemps.ch/Page/Uuid/6d9cc482-4744-11e5-85d0-41b5fd577541/ (page consultée le 13 août 2016). ↩︎

  19. C’est tout d’abord un vécu personnel qui nous a donné l’idée de ces auteurs. En effet nous avons eu la chance de participer à une expérience transmissionnelle et pédagogique à l’initiative du père Gilbert Caffin de l’Oratoire de France et du philosophie des religions J-L. Bischoff, entre 2005 et 2011, sur le thème de la découverte d’auteurs et de mystiques chrétiens (dont Pierre de Bérulle et Maître Eckhart). D’une certaine manière, la rédaction de cet article nous permet de comprendre un peu mieux pourquoi cette expérience nous a enrichi personnellement et professionnellement. ↩︎

  20. Du latin classique radicis, génitif de radix, « racine ». Radix a donné le mot radical. ↩︎

  21. « Détachement », disent certains, ou encore « sérénité qui découle du calme intérieur », précisent certains linguistes, dans D. Brener-Buono, « Le langage et la mystique dans l’ouvre allemande de Maître Eckhart », dans E. Zum Brunn, Voici Maître Eckhart, Grenoble, Jérôme Million, 1998, p. 251. ↩︎

  22. Dont Pseudo-Denys l’Aréopagite, moine syrien de la fin du Ve siècle. ↩︎

  23. Macary-Garipuy Pascale, « L’ex-sistence de la déité chez Maître Eckhart », Psychanalyse, 1/2011 (n° 20), p. 65–71 / http://www.cairn.info/revue-psychanalyse-2011-1-page-65.htm. — § 3 ↩︎

  24. Alain de Libéra, « Extraordinaire et douloureuse modernité d’Averroès » — Confluences Méditerranée — n° 28 hiver 1998–1999, p.24. ↩︎

  25. Majid Fakhry, « Averroès, Dante et la naissance de la laïcité moderne », Al-Machriq, vol. 74,‎ 2000, p. 303–320. ↩︎

  26. Libéria, Ibid. p. 25. ↩︎

  27. Céline Hoyeau, La Croix, “Pierre de Bérulle, homme politique malgré lui” (29/07/2012) Source : http://www.la-croix.com/Religion/Pierre-de-Berulle-homme-politique-malgre-lui-2012-07-29-836636 ↩︎

  28. Premier grade universitaire donné à l’époque aux étudiants en scolastique. Ils l’obtenaient suite à la première épreuve ; la questio temptativa ; jalon faisant partie de la disputatio. Pour rappel, la Faculté de Théologie se composait de trois enseignements majeurs : la lectio, la disputatio et la predicatio. ↩︎

  29. Cité in La Croix, Article du 29/07/2012. Lien : http://www.la-croix.com/Religion/Pierre-de-Berulle-homme-politique-malgre-lui-2012-07-29-836636 ; propos de F. Monfort, La petite vie de Pierre de Bérulle. Ed. DDB, Paris, 1997. ↩︎

  30. Ibid. ↩︎